Le Petit Chaperon Rouge
de Roald Dahl
Quand le loup sentit des tiraillements
Et que de manger il était grand temps
Il alla trouver Mère-Grand.
Dès qu’elle eut ouvert, elle reconnut
Le sourire narquois et les dents pointues.
Le loup demanda : « Puis-je entrer ? »
La grand-mère avait grand-peur.
« Il va, se dit-elle, me dévorer sur l’heure ! »
La pauvre femme avait raison :
Le loup affamé l’avala tout rond.
Mais la grand-mère était coriace.
« C’est peu, dit le loup faisant la grimace,
C’est à peine s’il m’a semblé
Avoir eu quelque chose à manger ! »
Il fit le tour de la cuisine en glapissant :
« Il faut que j’en reprenne absolument ! »
Puis il ajouta d’un air effrayant :
« Je vais donc attendre ici un moment
Que le Petit Chaperon Rouge revienne
Des bois où pour l’instant elle se promène »
(Un loup a beau avoir de mauvaises manières,
Il n’avait pas mangé les habits de grand-mère !)
Il mit son manteau, coiffa son chapeau,
Enfila sa paire de godillots,
Se frisa les cheveux au fer
Et s’installa dans le fauteuil de grand-mère.
Quand Chaperon Rouge arriva, essoufflée,
Elle trouva grand-mère plutôt changée :
« Que tu as de grandes oreilles, Mère-Grand !
-C’est pour mieux t’écouter, mon enfant !
-Que tu as de grands yeux, Mère-Grand !
-C’ est pour mieux te voir, mon enfant ! »
Derrière les lunettes de Mère-Grand,
Le loup la regardait en souriant
« Je vais, pensait-il, manger cette enfant.
Ce sera une chair plus tendre que la Mère-Grand ;
Après les merles, un peu secs, des ortolans ! »
Mais le Petit Chaperon Rouge déclara : « Grand-mère,
Tu as un manteau de fourrure du tonnerre !
-Ce n’est pas le texte ! dit le loup. Attends...
Tu devrais dire : « Comme tu as de grandes dents ! »
Enfin... peu importe ce que tu me dis ou non,
C’ est moi qui vais te manger, de toute façon ! »
La petite fille sourit, puis, battant des paupières,
De son pantalon, sortit un revolver
C’ est à la tête qu’elle visa le loup,
Et Bang ! l’étendit raide mort d’un coup.
Quelque temps après, dans la forêt,
Chaperon Rouge j’ai rencontré.
Quelle transformation ! Adieu rouge manteau !
Adieu ridicule petit chapeau !
« Salut ! me dit-elle, regarde donc, s’il te plaît,
Mon manteau en loup, comme il est croquignolet ! »

Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ae/Loup1.jpg