Le Renard et la CigogneCompère le Renard se mit un jour en frais,Et retint à dîner commère la Cigogne.Le régal fut petit et sans beaucoup d’apprêts :Le galant pour toute besogne,Avait un brouet clair ; il vivait chichement.Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :La Cigogne au long bec n’en put attraper miette ;Et le drôle eut lapé le tout en un moment.Pour se venger de cette tromperie,A quelque temps de là, la Cigogne le prie."Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amisJe ne fais point cérémonie."A l’heure dite, il courut au logisDe la Cigogne son hôtesse ;Loua très fort la politesse ;Trouva le dîner cuit à point :Bon appétit surtout ; Renards n’en manquent point.Il se réjouissait à l’odeur de la viandeMise en menus morceaux, et qu’il croyait friande.On servit, pour l’embarrasser,En un vase à long col et d’étroite embouchure.Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ;Mais le museau du sire était d’autre mesure.Il lui fallut à jeun retourner au logis,Honteux comme un Renard qu’une Poule aurait pris,Serrant la queue, et portant bas l’oreille.Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :Attendez-vous à la pareille.La Fontaine, Fables (1668)
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