Le
Chœur
C’est
propre, la tragédie. C’est reposant, c’est sûr…
Dans le drame, avec ces traîtres, avec ces méchants
acharnés, cette innocence persécutée, ces
vengeurs, ces terre-neuve, ces lueurs d’espoir, cela devient
épouvantable de mourir, comme un accident. On aurait peut-être
pu le sauver, le bon jeune homme aurait peut-être pu arriver à
temps avec les gendarmes. Dans la tragédie, on est tranquille.
D’abord, on est entre soi. On est tous innocents, en somme !
[…] C’est reposant, la tragédie, parce qu’on
sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir. […]
Dans le drame on se débat parce qu’on espère s’en
sortir. C’est ignoble, c’est utilitaire. Là, c’est
gratuit. C’est pour les rois. Et il n’y a plus rien à
tenter, enfin !
Jean
Anouilh, Antigone (1944)