La Loreley
à Jean sève
À
Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait
mourir d'amour tous les hommes à la ronde
Devant son
tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il
l'absolvit à cause de sa beauté
Ô belle
Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu
ta sorcelerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont
péri
Mes yeux ce sont des flammes et non des
pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je
flambe dans ces flammes ô belle Loreley
Qu'un autre te
condamne tu m'as ensorcelé
Evêque vous riez Priez
plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que
Dieu vous protège
Mon amant est parti pour un pays
lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien
Mon
coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais
il faudrait que j'en meure
Mon coeur me fait si mal depuis
qu'il n'est plus là
Mon coeur me fit si mal du jour où
il s'en alla
L'évêque fit venir trois chevaliers
avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en
démence
Vat-en Lore en folie va Lore aux yeux
tremblant
Tu seras une nonne vétue de noir et blanc
Puis
ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
la Loreley
les implorait et ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers
laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore
mon beau château
Pour me mirer une fois encore dans le
feuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves
Là
haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les
chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout là bas sur le
Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il
m'appelle
Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui
vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir
vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses
cheveux de soleil
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
Karl Friedrich Schinkel (XVIIIe ‑ XIXe siècles) Ville médiévale au bord d’un fleuve
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Villemedievaleauborddunfleuve.jpg